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Efim Bogoljubov raconté par Emil DIEMER
Un complément au panorama historique des Maîtres du jeu.
Par Dany Sénéchaud
Efim Boboljubov
Alors que je mettais la dernière touche à mon ouvrage E.J. DIEMER (1908-1990), missionnaire des échecs acrobatiques, je fus amené à parcourir les chroniques de ce joueur d'attaque chevronné, afin d'en insérer quelques-unes à titre de documents dans ce livre.

Nombre d'aspects de la personnalité échiquéennes de Diemer sont méconnus. Non seulement ce joueur donna la réplique aux plus grands sur l'échiquier - et on sait de quelle manière il pouvait illuminer ses parties de pointes tactiques ingénieuses - mais aussi, il fut un chroniqueur échiquéen très prolixe. Cependant, comme il n'était pas "titré", son seul ajout fameux au gambit Blackmar lui accorde aujourd'hui une postérité. C'est oublier, de la sorte, que Diemer voisinait avec le gotha des Maîtres célèbres du jeu. Je crois que sa correspondance ainsi que ses chroniques suffiraient à remplir un volume qui rendrait compte fort valablement des événements et péripéties de nombre de grands tournois du milieu du siècle (1933 à 1960)! Ainsi, il côtoya l'élite mondiale des joueurs, Bogoljubov, Dr. Alekhine, Kérès, Dr. Tartakover, Sämisch et Dr. Euwe!

Voici maintenant le sens de cette intervention : Arnaud Payen a proposé aux lecteurs du Gambisco une série vraiment passionnante sur les champions du passé. Parcourant l'un de ses articles, je constate que, bien que fort correctement présenté, l'épisode Alekhine-Bogoljubov a laissé dans l'ombre le joueur en second! Certes, rien de plus normal, puisque celui-ci n'obtint jamais ce titre de gloire pour lequel il concourut à deux reprises. C'est une réalité incontournable et habituelle que de voir l'histoire retenir, avant tout, la suprématie des seuls vainqueurs!

Par exemple, Lionel Kieseritzky, pour être le vaincu méritant de l'"Immortelle" et Fritz Sämisch, maître génial mais absent du palmarès des Championnats du monde, sont deux cas typiques, choisis parmi beaucoup d'autres possibles, de ces joueurs maintenus dans l'ombre des très grands. A ce titre donc, puisque j'ai mis la main sur le texte de Diemer fort éclairant sur le talent de Bogoljubov, je voudrais proposer cette lecture complémentaire. A noter que Bogoljubov, tels Tartakover et Karpov, est l'un des maîtres qui peut revendiquer le plus grand nombre de participations victorieuses à des tournois internationaux majeurs (cf. Le Lionnais).

J'adresse, pour finir, mes remerciements à Michel Guérin (Berlin) pour sa contribution amicale à titre de traducteur.

Boboljubov avait vainement tenté de ravir à Alekhine son titre de champion du monde.

(...) Au cours de tournois, il m'est arrivé souvent de me trouver en compagnie d'Alekhine pendant des semaines. Nous étions de très bons amis. Bogoljubov et moi étions également très amis mais c'était différent. Ce dernier avait le contact excellent, quelqu'un avec qui l'on pouvait, comme dit le proverbe, voler des chevaux ensemble! C'est qu'il était un enfant du peuple. Originaire de la ville de Kiev, il était d'ailleurs au départ, destiné à devenir prêtre orthodoxe. Ses parents étaient ce que l'on appelle ordinairement des "petits-bourgeois". Alekhine, au contraire, était officier du Tsar et descendait d'une vieille et noble famille. Il n'était donc pas possible de se comporter avec lui sans faire de façons.

(...) On avait cru que, lors de sa deuxième tentative, Bogoljubov avait de bonnes chances de devenir quand même Champion du Monde. Pourquoi a-t-il gâché ses chances de gagner des parties qui lui étaient favorables en provoquant la nullité ? Et pourquoi a-t-il perdu des parties vouées à la nullité ? Il souffrait fréquemment de complexes psychiques qui lui ôtaient ses moyens. C'est pourquoi il ne pouvait jamais se concentrer entièrement sur ses parties. Maintenant, vous en connaissez la cause et c'est pourquoi le titre du livre sur lui (réédité chez Münster), L'agonie de Bogoljubov, est un horrible malentendu que je désire ici, après 51 années, rectifier en tant que témoin privilégié.

Il faut savoir que jusqu'à sa mort, en 1952, Bogoljubov a toujours eu un jeu créatif et réalisé de grandes performances qui sont restées dans l'histoire. Trois jours avant sa mort, j'ai moi-même participé à un tournoi par équipes avec lui, pour notre club Freiburg 1887. Sur le chemin du retour, Bogoljubov s'entretint avec moi-même sur un thème très sérieux, tel que nous ne l'avions encore jamais fait depuis vingt ans que nous nous connaissions. Il m'a parlé - comme s'il s'était douté de sa mort imminente - de l'immortalité de son style de jeu. Il n'expliquait pas cette postérité par ses succès aux tournois ou par les livres qui sont aujourd'hui réimprimés et ont valeur d'éternité. Non, il voyait l'immortalité dans les problèmes d'échecs qu'il avait inventés. Beaucoup de ces problèmes sont parfois aussi parus en Suisse.

J'ai vécu la composition de son dernier problème à tous les stades. Ce n'est qu'après des tergiversations de plusieurs semaines que ce problème avait atteint la forme définitive qui se profilait dans son esprit. Lors du tournoi de Wangen (Pâques 1951), j'ai prié Bogoljubov de construire celui-ci sur un échiquier et de le photographier. En 1957, j'ai fait paraître le dit problème de Bogoljubov, avec sa dédicace à Freidrich A. Stock, dans ma brochure Die Blackmar Gemeinde.

J'ai raconté cette histoire devant une tombe au cours de la cérémonie mortuaire à laquelle se trouvaient les participants du tournoi Eva, à Königsfeld. Plus tard, j'ai appris par le beau-fils de Bogoljubov que tout ce que ce dernier possédait sur les échecs était au complet et entre les mains de sa seconde fille Tamara. Lorsque j'ai pris contact téléphonique avec elle, je me suis vu attribuer cette succession afin d'en estimer la valeur. J'espère seulement à présent, que cela pourra voir le jour pour l'anniversaire de sa mort, l'année prochaine."

("Altmeister Diemer raconte quelques moments de sa vie", 1985.)

In Gambisco, n° 87, janvier 1998

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