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Gauthier de Coincy et le jeu d'échecs en 1230
par Bernard Lucas
Gauthier de Coincy est né en 1178 à Coincy près de Fère-en-Tardenoy. A 15 ans, il est promis au monastère de saint Médard, à Soisson. École monastique complétée à Paris, ordonné prêtre et nommé prieur à Vic-sur-Aisne où il remplace son oncle. Là, il commence à écrire les "Miracles de notre Dame" en 1218. Pendant 10 ans, il fera parvenir ses manuscrits à son ami, Robert de Dives, prieur de Saint-Blaise de Noyon qui les faisait recopier et enluminer. En 1233 il est prieur de Saint Médard et il meurt en 1236, laissant une œuvre de 30 000 vers, proche de celle de l'espagnol Bercio Milagros de Nuestra sennora, de la même époque. Plusieurs passages ont trait aux Échecs. D'abord : "Le miracle de Théophile"; le vidame perdant sa place s'écrie :
Pour un peu Dieu je renie
pour un peu que je me noie
pour un peu que je m'étrangle
A bas échecs, je suis dans l'angle
Je suis mort, je suis pris
haut clerc, j'étais de haut prix
j'ai tout fait par moi-même
que zifre suis en algorithme.

Autre passage ; le diable est déguisé en serviteur dont le maître se vante :

Il est de tout bons menesteriex
Il set peschier, il set chacier
Il set trop bien genz solacier
Il set d'eschez, il set de tables
Il set d'arbalestre et d'airon
Aine ne veistes nul garçon
Ne nus varlet de tel affaire.

Traité de Damiano, 1511
Planche tirée du traité de DAMIANO, édition de 1511 (valeur marchande à Drouot en 1991 : 23000F)

Le plus fort coup du diable a été l'expulsion d'Adam et Eve du jardin d'Eden. Le diable a mis l'homme dans l'angle de l'échiquier et est sur le point de le mater.

Tost nous aura en l'angle traiz
Nous serons pris et mat de ce cuit.

A ce moment Dieu intervient et fait une fierce qui couvre l'échec et finalement mate l'ennemi.

Mes touz ces traiz fit il en vain
Quar Diex une te fyerce fist
Qui le mata et desconfit
Quant li doux Diex vit vers la fin
Que n'avait truie nes d'aufin
Et qu'anemis par son desroi
Chevalier, Roc, fierce ne Roi,
Nes ne poon ni voulait laissier
Au jeu se daigna abaissier,
Et fit un trait soutil et gent
Par quoi rescout toute sa gent
C'est fierce traist par tel sens.

La fierce qui a battu le Diable
est la Vierge Marie et Gauthier voue quelques lignes au prix de cette pièce:

Ceste fierce n'est pas d'ivoire ;
Ainz est la fierce au roy de gloire
Qui rescout toute sa meisnée
Qu'avait déables defrainée...
Ceste fierce le mate en roie ;
Ceste fierce le mate en angle ;
Ceste fierce li tolt la jangle ;
Ceste fierce li tolt sa proie ;
Ceste fierce tousjoors l'asproie ;
Ceste fierce touzjdrs le point ;
Ceste fierce de point en point
Par fine force le dechace.

Les pièces du jeu sont citées:Roi:Roi. La Reine n'est pas citée: on est en fin de partie, elle a disparu. Il reste Chevalier = Cavalier, Roc = Tour, poon = pion, aufin = fou. Il est à noter que la pièce "fierce", pion promu, n'a pas de majuscule comme "Chevalier, Roc et Roi" elle reste en minuscule comme le "poon". Gauthier de Coincy a une connaissance technique du jeu qu'il a dû avoir avant quinze ans comme tout jeune noble, car sa famille aisée a donné plusieurs prieurs. Il a sans doute joué à Paris comme beaucoup d'étudiants de l'époque.
L'allusion à une pièce d'ivoire est un contexte parisien. Une intense activité des corporations travaillant l'ivoire aura lieu à Paris à partir de 1250. Mais avant, des fabricants de pièces d'échecs en ivoire d'éléphants sont en activité, par exemple Bertrand, "Echequer", travaillait auprès de Robert d'Artois (1216-1250).

Manuscrit Français du XVIe siècle du traité de Lucena
Manuscrit français du XVIe siècle traduction
du traité de LUCENA (valeur marchande à Drouot en 1991 : 295 000F !)

Gauthier de Coincy précède Jean de Galles dans les essais de récupération morale du jeu d'Échecs dont l'apogée fut œuvre du Dominicain italien Jacques de Cessoles vers 1275-1300. Tradition que suivront Thérèse d'Avila et François de Sales.
Le jeu est devenu le reflet de la société de l'époque.

in Echecs et Mat N° 8, Février 1996
Avec l'autorisation de l'auteur
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