Page d'accueilInfosContacter le webmestre  
-
|
--- -
|
News
- --- -
 
-
|
--- -
|
Diemer
- --- -
 
-
|
--- -
|
Parties
- --- -
 
-
|
--- -
|
Livres
- --- -
 
-
|
--- -
|
Liens
- --- -
 
-
|
--- -
|
Culture
- --- -
 
--- --- --- --- --- --- ---
Lectures para-échiquéennes...
par Philippe Thomas
Après les efforts déployés par chacun sur l'échiquier, pourquoi ne pas emporter sur la plage quelques livres ? Des ouvrages de littérature et non de savants traités d'échecs. Pour se distraire, certes. Peut-être aussi pour mieux comprendre le jeu et ses enjeux...

Tout le monde connaît Le joueur d'échecs de Stefan Zweig (éditions Stock, 120 pages). Mais bien d'autres nouvelles ont le jeu d'échecs comme thème central. Ainsi, Le fou noir d'Arrigo Boito (Actes Sud, 82 pages, 50F) raconte une fantastique partie entre un blanc et un noir, chacun dirigeant les pièces correspondant à la couleur de sa peau. Commencée un soir dans une demeure bourgeoise où traînaient un échiquier et un pistolet de salon, la partie durera jusqu'à l'aube avec une pièce cruciale, brisée puis réparée avant la partie, prémonitoire symbole de son issue tragique. Le blanc, un champion américain nommé Georges Anderssen, sera précisément maté par ce fou noir et tuera son partenaire. Depuis, il erre à New-York en accomplissant sur les dalles des trottoirs les mouvements des différentes pièces...

L'échiquier devant le miroir de Massimo Bontempelli (éditions de L'arpenteur, 130 pages, 75F) est l'histoire de la rêverie d'un enfant puni, enfermé dans une pièce dont le seul mobilier est un échiquier posé devant un miroir. Le frontière entre le réel et son double est soudain abolie et l'enfant, à l'instar d'Alice, va passer de l'autre côté du miroir. Bien des surprises l'y attendent... Où est le vrai ? Comment distinguer les apparences et la réalité ? Le miroir n'est pas une simple plaque de verre lisse mais un champ d'une profondeur inouïe qui contient tous les personnages qui un jour s'y sont réfléchis. Les pièces d'échecs parlent et affirment leur autonomie ; elles prétendent que ce sont elles qui jouent et non les humains ! Qui donc joue et qui est joué ?

Dans un registre très différent, la nouvelle de Friedrich Dürrenmatt intitulée tout simplement Albert Einstein (éditions de l'Aire, Lausanne, 70 pages, 42F) pose sur un ton ludique de graves questions métaphysiques. Parodiant le style des savantes conférences universitaires, Dürrenmatt (un nom prédestiné !) défie le célèbre physicien en une partie imaginaire où l'on échange des arguments ontologiques en guise de pièces. Le vrai défi s'adresse en fait à Dieu, un Dieu qui joue contre lui-même et qui est aussi jeu, pièces, règles et échiquier. Mais Einstein aussi est de la partie où réalité physique, esthétique et enjeu interfèrent constamment.

Les Contes de l'échiquier de Jean-Benoit Thirion (éditions Plein Chant, 94 pages, 48F) sont un voyage échiquéen à travers le temps et sur toute la planète. Ils pastichent avec élégance le style des récits traditionnels des contrées où ils sont situés. Trois vampires (Inde), Maître Kong sur la montagne aux Mille Senteurs (Chine), Le vieillard sur l'écran (Japon), En route pour le Mâzanderân (Perse) et Dans les prisons de Bagdad (Bagdag) sont cinq contes orientaux qui n'ont rien à envier aux fameuses Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. La venue du grand homme évoque un Yiddishland plus vrai que nature. Échecs en Polynésie constitue un fantastique affrontement entre les vivants et les morts où ces derniers n'ont vraiment rien à perdre. Par contre, les vivants sont changés en statue de pierre en cas de défaite et prennent du même coup la place d'un défunt au royaume des ombres... Empoignade perpétuellement renouvelée où la dynamique du jeu s'avère souvent magiquement efficace, la lutte entre les blancs et les noirs est sous toutes les latitudes une allégorie de la vie, ce combat toujours recommencé. L'un des personnages mis en scène dans ces Contes de l'échiquier, un certain Bobby Fischer, ne disait-il pas justement : "Les échecs, c'est la vie !" ?

Bulletin de Ligue Poitou-Charentes, 1991
Avec l'autorisation de l'auteur
Haut de la page
© Reyes 1997-2007 (Reproduction interdite sans autorisation)